Récemment, ce blog mettait en avant les "premières" transactions économiques directes concernant des adresses IP et les dérives possibles.
Fort de ma veille quotidienne, j'ai pu découvrir l'échange de questions réponses parlementaires ayant récemment eu lieu à propos des adresses IP. Qu'un tel échange ait lieu dans cette enceinte n'est pas anodin et je trouve cela plutôt très positif. Je n'en dirai pas autant de la réponse du gouvernement...
La question est posée par Mme la Député Laure de La Raudière qui n'est pas complètement une nouvelle venue dans les questions politiques et Internet. Je reproduis ici son intervention :
Personnellement, je suis relativement admiratif quant à cette question. J'ai noté, pour analyse, les points saillants :
- Risques liés à l'épuisement : c'est très juste et bien formulé
- 32 bits et 128 bits : on retiendra le souhait d'être juste techniquement. En revanche, coder sur 128 bits n'offrent pas un espace illimité d'adressage car il est fini. La véritable formule est "virtuellement illimité" considérant la taille de l'espace par rapport aux besoins, même énormément extrapolés.
- On note également la bonne connaissance de mécanismes palliatifs dont la formulation est juste et qui, effectivement, ne sont pas efficaces à tout point de vue et sur certains protocoles même si, avec diverses astuces, cela fonctionne. Reste à savoir si ce qui palliatif aujourd'hui ne pourrait pas être la norme demain...
- Dernier point : je n'étais pas au courant que de telles obligations légales pour l'adoption de la version 6 du protocole IP existaient dans certains pays et si mes lecteurs savent lesquels, je serais heureux qu'ils le partagent.
Bref, une question intéressante qui ne semble pas contenir de bêtises...(pour moi).
Voyons la réponse :
Plusieurs remarques à porter sur les parties mises en valeurs :
- "la pénurie est prévue"...Certes ! Tout le monde le dit mais rien ne semble avoir été fait. Les premières phrases de cette réponse sont inutiles car tout cela est déjà su (comme le fait que les solutions alternatives à IPv6 sont moins performantes)...
- "la cohabitation" des adressages : alors là, c'est juste ridicule...Si la compatibilité entre v4 et v6 était si évidente, on l'aurait fait depuis longtemps et le problème ne se poserait pas. Un des problèmes est justement qu'IPv6 apporte un lot de fonctionnalités intéressantes mais n'est pas immédiatement et directement compatible. Sur un réseau, on ne met pas directement les deux, à mon sens, il faut bel et bien un mécanisme de "translation". Par ailleurs, cela suppose aussi de profondes évolutions dans les systèmes gérant tous les composants réseaux qui n'intègrent pas directement IPv6...
La cohabitation est "gérée" par certains opérations qui, comme Free ou Nerim (sans doute d'autres) proposent d'utiliser, sur une partie de leur réseau, une adresse IPv6. Mais cela ne permet pas d'aller sur l'ensemble d'Internet, en tout cas, pas directement.
Par ailleurs, quelqu'un peut-il me dire si de l'adressage IPv6 a été proposé à un niveau plus "industriel" (Data center, backbone...) ?
- "Le gouvernement s'attache à contrôler que la réparitition soit équitable" ? Soi-disant mais General Electic et IBM disposent toujours de leur /8.
- "La vitesse d'adoption dépend de la stratégie des entreprises françaises"...On touche le fond je pense...Les deux plus grands équipementiers réseaux sont "CISCO" et "HUAWEI" si je ne m'abuse, qui sont américains et chinois. Les constructeurs de matériels de sécurité (Juniper, CheckPoint...) ne sont majoritairement pas français. Or, c'est bien d'eux que dépend surtout l'adoption du protocole ainsi que de la volonté des opérateurs internationaux de l'utiliser. Je rappellerais à cet égard que notre opérateur national de télécommunications n'est pas dans le "TOP-TEN", c'est-à-dire les Tiers 1.
Bref, la question n'appartient absolument pas uniquement aux entreprises françaises et je dirais que c'est presque une question globale...de gouvernance.
Vous l'aurez compris, je trouve que cette réponse n'apporte pas grand-chose et qu'elle avance comme vrai des éléments passablement faux. Cependant, mon ton volontiers polémique peut m'avoir entrainé à des approximations ou pire. Merci de me les signaler, je les corrigerais volontiers !
Source : http://questions.assemblee-nationale.fr/q13/13-96138QE.htm