Dans un article récent, il nous était donné l'occasion de constater les prémisses de la construction d'une logique de dissuasion plus globale appuyée par quelques faits et sortant de la théorie. Dans la continuité de cette démarche, une analyse transversale de plusieurs éléments semble permettre d'évoquer la création d'un cyber-système.
Que peut-on entendre par là ? Passionné d'analyse stratégique, la tendance de l'auteur est généralement de représenter les situations, phénomènes en fonction des acteurs, de leurs capacités, de leurs objectifs. L'interaction entre leurs capacités (ou pouvoirs) et leurs objectifs, avec les autres acteurs, est alors très révélateur de la logique interne à l'objet observé.
L'hypothèse ici est le développement d'une dimension du système international intégrant pleinement, et non pas de manière indirecte ou inavouée, le "cyber-espace" et ses affrontements spécifiques ou ses logiques propres. Ce que j'appelle le cyber-système afin de simplifier et en l'absence de meilleur terme.
L'objectif n'étant pas ici de prouver cette existence mais d'en évoquer la création, nous nous bornerons à évoquer quelques faits que la lecture et la veille auront permis de centraliser.
De manière générale, la construction d'un tel système international n'est pas une idée nouvelle mais bien une tendance observable depuis sans doute quelques années. La compréhension des intérêts par les états et de l'importance du cyberespace a su faire évoluer les pratiques. C'est donc par l'émergence de l'état et des "sociétés" d'état que l'on pourra constater cette émergence.
Voyons plutôt !
Notons tout d'abord des appels de plus en plus fréquents à des "cyber-traité" : Bruce Schneier, praticien reconnu de la cryptographie puis de la sécurité informatique, appelle ainsi dans un article récent, qui a su créer un certain buzz, à l'émergence de tels ententes entre états.
Reconnaissant que se déroule une course aux armements informatiques, il analyse la capacité de celle-ci à déstabiliser et à rendre plus dangereux le cyber-espace, et au-delà, le système international dans lequel nous visons. Sa réponse se trouve dans un traité international qui reconnaîtra tout à la fois la menace, les tendances en plaidant pour le développement de négociations qui tendront à rendre moins certain le basculement vers la militarisation du cyber-espace.
Il est également possible d'observer la formation de "blocs" ou de sous-systèmes d'acteurs présentant des intérêts communs bien que divergents sur le long-terme. Ainsi, les Etats-Unis apparaissent parfois bien seul tant par leur niveau d'influence disproportionné (par rapport aux autres pays) sur Internet par l'intermédiaire de l'ICANN que par leurs capacités militaires. Bien que soutenu, en théorie, par les autres pays "occidentaux", des divergences peuvent apparaître et nous y reviendrons.
Parmi les autres blocs, la Chine, la Russie et les pays émergents sont également considérables. Leurs initiatives multiples en sont la preuve. Ainsi, dans une brillante analyse en 4 articles, M. Mueller mettait en avant l'évolution de l'Union International des Télécommunications, sa prise de position sur la cyber-sécurité et la volonté de ses membres de renforcer les "pouvoirs" de l'Etat par le biais de diverses propositions de ses Etats-membres traduisant notamment l'influence de ces états. Ainsi, plusieurs états arabe, inquiets du passage par Israël de leur flux de communications, aurait influencé une proposition visant à permettre à un Etat d'ordonner des régulations sur le routage de ces communications en vue de les protéger.
Ces états ne s'arrêtent pourtant pas là : ainsi une récente proposition réalisée par un universitaire et un industriel chinois, au sein de l'IETF, proposait la création d'un niveau supplémentaire entre la racine et les TLSs. Ces "Internet Autonomes" permettrait à un pays A de créer son propre "google" par exemple, ainsi qu'à un pays B sous la forme suivante : www.google.com.A. et www.google.com.B.
Une analyse quelque peu ironique de cette proposition, d'un point de vue technique, ne permet pas d'écarter le "signal" que constitue une telle proposition.
Enfin, les dialogues bilatéraux ou multilatéraux ne cessent pas. Comme en témoigne l'article de M. Segal, les discussions entre chinois et américains ne sont pas aisés mais persistent ! En particulier, et comme pour donner raison à l'analyse de M. Schneier, la Chine semble quelque peu "refroidie" par les dernières révélations sur les Stuxnet, Duqu et Flame qui mettent en cause le gouvernement américain. De leur côté, les Etats-Unis n'ont de cesse de réclamer la fin d'un coûteux espionnage industriel.
Que serait une dimension du système international sans l'ONU ? Celle-ci est bien présente, ne serait-ce que par l'UIT que l'on a déjà évoqué. Mais si la logique de blocs a pu persister depuis 1998, avec par exemple, la proposition d'un code de conduite en 2011 par la Russie, la Chine et des pays d'Asie Centrale, il semble qu'une évolution soit en train de naître.
Ainsi, et nous l'évoquions ci-dessus, le "bloc" occidental n'est pas "lisse" comme en témoigne la proposition par plusieurs pays d'une série de recommandations adressée au Secrétaire Général de l'Organisation. Parmi ces pays : United States, Belarus, Brazil, Britain, China, Estonia, France, Germany, India, Israel, Italy, Qatar, Russia, South Africa and South Korea.
La notion de "bloc" utilisée ici peut paraître maladroite : elle vise à marquer les esprits en mettant en avant la radicalisation de certains acteurs passant d'une prudence à des positions bien plus marquées. Cette évolution constitue pour nous, comme dans le cas de la dissuasion, le marqueur du passage à une vision du cyberespace et de la place de l'état en son sein. Comme toujours, une attention continue devra être mise en oeuvre pour saisir les tendances.
Source : dans le texte
De manière générale, la construction d'un tel système international n'est pas une idée nouvelle mais bien une tendance observable depuis sans doute quelques années. La compréhension des intérêts par les états et de l'importance du cyberespace a su faire évoluer les pratiques. C'est donc par l'émergence de l'état et des "sociétés" d'état que l'on pourra constater cette émergence.
Voyons plutôt !
Notons tout d'abord des appels de plus en plus fréquents à des "cyber-traité" : Bruce Schneier, praticien reconnu de la cryptographie puis de la sécurité informatique, appelle ainsi dans un article récent, qui a su créer un certain buzz, à l'émergence de tels ententes entre états.
Reconnaissant que se déroule une course aux armements informatiques, il analyse la capacité de celle-ci à déstabiliser et à rendre plus dangereux le cyber-espace, et au-delà, le système international dans lequel nous visons. Sa réponse se trouve dans un traité international qui reconnaîtra tout à la fois la menace, les tendances en plaidant pour le développement de négociations qui tendront à rendre moins certain le basculement vers la militarisation du cyber-espace.
Il est également possible d'observer la formation de "blocs" ou de sous-systèmes d'acteurs présentant des intérêts communs bien que divergents sur le long-terme. Ainsi, les Etats-Unis apparaissent parfois bien seul tant par leur niveau d'influence disproportionné (par rapport aux autres pays) sur Internet par l'intermédiaire de l'ICANN que par leurs capacités militaires. Bien que soutenu, en théorie, par les autres pays "occidentaux", des divergences peuvent apparaître et nous y reviendrons.
Parmi les autres blocs, la Chine, la Russie et les pays émergents sont également considérables. Leurs initiatives multiples en sont la preuve. Ainsi, dans une brillante analyse en 4 articles, M. Mueller mettait en avant l'évolution de l'Union International des Télécommunications, sa prise de position sur la cyber-sécurité et la volonté de ses membres de renforcer les "pouvoirs" de l'Etat par le biais de diverses propositions de ses Etats-membres traduisant notamment l'influence de ces états. Ainsi, plusieurs états arabe, inquiets du passage par Israël de leur flux de communications, aurait influencé une proposition visant à permettre à un Etat d'ordonner des régulations sur le routage de ces communications en vue de les protéger.
Ces états ne s'arrêtent pourtant pas là : ainsi une récente proposition réalisée par un universitaire et un industriel chinois, au sein de l'IETF, proposait la création d'un niveau supplémentaire entre la racine et les TLSs. Ces "Internet Autonomes" permettrait à un pays A de créer son propre "google" par exemple, ainsi qu'à un pays B sous la forme suivante : www.google.com.A. et www.google.com.B.
Une analyse quelque peu ironique de cette proposition, d'un point de vue technique, ne permet pas d'écarter le "signal" que constitue une telle proposition.
Enfin, les dialogues bilatéraux ou multilatéraux ne cessent pas. Comme en témoigne l'article de M. Segal, les discussions entre chinois et américains ne sont pas aisés mais persistent ! En particulier, et comme pour donner raison à l'analyse de M. Schneier, la Chine semble quelque peu "refroidie" par les dernières révélations sur les Stuxnet, Duqu et Flame qui mettent en cause le gouvernement américain. De leur côté, les Etats-Unis n'ont de cesse de réclamer la fin d'un coûteux espionnage industriel.
Que serait une dimension du système international sans l'ONU ? Celle-ci est bien présente, ne serait-ce que par l'UIT que l'on a déjà évoqué. Mais si la logique de blocs a pu persister depuis 1998, avec par exemple, la proposition d'un code de conduite en 2011 par la Russie, la Chine et des pays d'Asie Centrale, il semble qu'une évolution soit en train de naître.
Ainsi, et nous l'évoquions ci-dessus, le "bloc" occidental n'est pas "lisse" comme en témoigne la proposition par plusieurs pays d'une série de recommandations adressée au Secrétaire Général de l'Organisation. Parmi ces pays : United States, Belarus, Brazil, Britain, China, Estonia, France, Germany, India, Israel, Italy, Qatar, Russia, South Africa and South Korea.
La notion de "bloc" utilisée ici peut paraître maladroite : elle vise à marquer les esprits en mettant en avant la radicalisation de certains acteurs passant d'une prudence à des positions bien plus marquées. Cette évolution constitue pour nous, comme dans le cas de la dissuasion, le marqueur du passage à une vision du cyberespace et de la place de l'état en son sein. Comme toujours, une attention continue devra être mise en oeuvre pour saisir les tendances.
Source : dans le texte