Edit :
A noter la très ferme prise de position de M. Eric Schmidt qui dénonce dans ses propos ce projet de révision du traité de 1998 (pour y inclure Internet) notamment en évoquant les risques qu'il y voit...
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Le 27 février devrait débuter à Genève une série de négociations relatives au futur d'Internet et en particulier sur son système de gouvernance.
Les lecteurs qui suivent un peu nos écrits auront décelé l'exagération du titre (mais il faut bien publier :) ) ainsi qu'une erreur dans la première phrase. Bien évidemment, cette série de négociations n'a rien de bien nouveau car elle s'insère dans une dynamique visant à modifier drastiquement les enjeux de pouvoirs au sein de ce système de gestion de ressources du Net.
Les échanges diplomatiques relatifs à Internet peuvent être, selon moi, classés en deux catégories : une première relative aux conflits intéressant l'information et l'informatique dont nous avons déjà parlé et une seconde relative aux enjeux de possession et de contrôle sur les infrastructures techniques et de décisions qui font encore aujourd'hui l'Internet que nous connaissons. Ceci a longuement été évoqué dans divers articles précédents.
En particulier, la Chine et la Russie ont depuis longtemps promu des approches différentes en insistant sur la nécessité de donner un caractère internationale et surtout inter-gouveremental à ce qui est parfois considéré comme relevant d'un bien commun. Dans cette acceptation, l'organisme de régulation tout désigné serait évidemment l'UIT ou Union International des Télécommunications qui relève de l'ONU. A l'instar de l'assemblée onusienne, la représentation au sein de l'UIT connait des équilibres de pouvoirs différents et surtout, l'organisation est présidée par un secrétaire dont les amitiés envers la Russie sont notoires...pour y avoir fait une bonne partie de son éducation supérieure (c'est anecdotique certes mais éclairant).
Et les enjeux sont relativement importants car bien que, depuis 1988, le traité écartant Internet de la régulation des télécoms ait permis justement l'essort qu'on lui connait aujourd'hui, force est de reconnaître que de nombreuses pressions poussent à l'évolution du système. Ainsi sont parfois évoqués la main-mise des Etats-Unis sur le système, certaines incapacités à le faire évoluer ou encore la balkanisation de l'Internet...
Une opinion toute personnelle est que le système a assuré jusqu'à aujourd'hui de nombreux services et mêmes certaines évolutions majeures comme le DNSSEC. De même, il n'est pas sur du tout que l'ensemble des pays soit bien conscient de ce qu'ils doivent au Net et de la perte que pourrait constituer un aspect balkanisé...Cela sans compter la technologie qui peut, parfois, bouleverser l'approche géopolitique de la chose.
Et pourtant, les ambitions des pays soutenant cette approche bien particulière des choses sont parfois considérables. Ainsi, les objets de régulation sous contrôle de l'UIT pourront être :
=> la cyber-sécurité et les données personnelles
=> développer diverses pratiques tarifaires et de régulation en ce qui concerne l'échange de trafic internationaux : téléphonie, peering, usage différencié suivant les réseaux de transits utilisés...
=> subordonner l'ICANN et ses fonctions techniques de régulation à diverses autorités de l'UIT
Ces quelques mesures sont un peu plus détaillées par l'article (cf. ci-dessous) du Wall Street Journal qui les tient d'une liste de propositions établies pour un sommet précédent, à Dubaï. Il est vrai que l'on pourrait craindre pour certaines des qualités de l'Internet dans sa conception actuelle et notamment la neutralité.
Ces discussions et évolutions sont de nature à bouleverser profondément l'écosystème d'Internet et de sa gouvernance et sonne comme un retour en force de l'Etat au sein du système international. Il demeure très intéressant, à mon sens, de s'intéresser de près à ce qui pourrait être, ou non, un changement très profond.
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