Cette question est souvent abordée dans de nombreuses conférences et l'intervention récente du Président du gNSO à l'ICANN me pousse à écrire ce billet.
Que s'est-il passé ? Le Président du gNSO, Stéphane Van Gelder s'est exprimé sur ces questions suite à de nombreuses "disparitions" de noms de domaine.
Qu'est-ce que le gNSO ? Il s'agit d'une instance de l'ICANN, le principal organisme de régulation du Net en ce qui concerne notamment les noms de domaines et les adresses IP. L'ICANN n'a pas l'autorité pour délivrer tous les noms de domaine car ceux-ci peuvent, par exemple appartenir à un pays, mais elle établit des règles en communs avec les acteurs afin de garantir une uniformité des traitements. Elle possède également des responsabilités dans la gestion de la racine d'Internet et dans la distribution des adresses IP à des agences intermédiaires qui les attribueront aux opérateurs.
Constituée en instances recouvrant des domaines particuliers, l'ICANN traite de nombreux sujets. Parmi ceux-ci, la question des gTLD est prégnante et "appartient" justement au gNSO. Les "gTLD" sont les "Generic Top Level Domain", c'est à dire les domaines de haut niveau n'appartenant pas à un état : .com, .org, .net, .biz, .aero...
Evidemment, il existe un corollaire, les ccTLD dont une partie de la gestion commune est réglée par le ccNSO...Le terme désigne les "Country Code Top Level Domain" ou encore les domaines de haut niveau représentant des pays : .fr, .us, .de, .be....Ce sont, évidemment, les plus nombreux.
Bien que moins nombreux en termes purement quantitatifs, les gTLD présentent deux caractéristiques essentiels : ils n'appartiennent pas à des pays et l'ICANN est dépositaire d'une réelle autorité de délégation à tel ou tel acteur pour leur gestion. Bien évidemment, elle ne peut la posséder pour un pays et son domaine, puisque celui-ci relève de la souveraineté de l'Etat...
Même s'il existe moins de gTLD, 18 contre environ 200 pour les ccTLD, les gTLD accueillent les "poids lourds" du système comme le .com.
Notons d'ailleurs plusieurs points intéressants :
- les USA sont les seuls à détenir des gTLD dédiés en plus de leur domaine-pays: le .mil pour les organisations militaires et le .gov pour ses administrations...
- l'ICANN n'est plus, depuis 2009, officiellement soumise à une tutelle du gouvernement américain.
- le .com est géré par une entreprise américaine, Verisign, qui gère également le .net et surtout, cerise sur le gâteau, possède la gestion opérationnelle du A-root, le premier des root-serveurs. Pour une présentation de la structure logique, technique et organisationnelle du DNS, je vous renvoie au site de l'AFNIC et à mon mémoire de M1.
- la gestion de la racine est toujours officiellement dévolue par le gouvernement des Etats-Unis à un opérateur et non pas par l'ICANN. L'ICANN fournit officiellement les informations à modifier au sein de la racine.
Qu'est-ce qu'il est reproché aux Etats-Unis ? De "faire disparaitre" certains noms de domaines !
En effet, et on comprend que cela vienne du gNSO, les Etats-Unis interviennent notamment sur les domaines génériques et particulièrement sur le .com pour détruire certains noms de domaines pointant sur des sites qu'ils jugent illégitimes et litigieux.
M. Van Gelder leur reproche notamment cet interventionnisme qui montre qu'il existe tout de même un fort contrôle des USA sur certaines "portions" du Net. Les formes de pressions usitées, l'activisme poussant à forcer l'ICANN à procéder à de telles demandes et au final, le contournement des règles constituent des atteintes réelles à la neutralité du net et à l'objet de la gouvernance Internet.
Cela ne préjuge pas évidemment de réelles raisons de faire disparaitre ces noms de domaines mais la manière reste très certainement litigieuse voire inquiétante.
Quelques remarques maintenant :
=> Faire disparaître un nom de domaine est insuffisant pour rendre un site inaccessible. Tant que celui-ci reste présent sur le réseau, il est atteignable et il peut même avoir des noms de domaines " de secours". C'est une partie de ce qui s'est passé pour Wikileaks, sans effets notables puisque on pouvait alors créer des noms de domaines alternatifs facilement en les faisant pointer vers le site en question (comme si je créais wikileaks.cidris.Fr)...
=> les USA n'interviennent pas pour le moment sur l'ensemble des gTLD...Et surtout, ils ne pourraient pas intervenir sur les ccTLD puisque ceux-ci relèvent pour la plupart d'un pan de la souveraineté nationale et qu'ils possèdent généralement leur propre DNS et leur maitrise de leur espace de nommage. Si ce n'est pas le cas, que la maitrise est incomplète par exemple, on pourrait s'attendre à un interventionnisme..
=> Il resterait bien un moyen, celui d'intervenir directement sur la racine...Mais, non seulement, l'effet ne serait pas immédiat et, plus encore, cela relèverait d'une acte diplomatique d'une gravité majeure...Enfin, ce serait utiliser un canon pour abattre une mouche !
=> Il est normal, logique et bienvenu qu'un pays puisse intervenir sur son espace d'adressage pour faire disparaitre des noms de domaines contraires à ses lois et règlements...Il n'est pas légitime qu'un autre acteur qu'un officiel puisse utiliser le sous-domaine "gouv.fr" par exemple.
Pour conclure et répondre à ma question, dans certains cas, les USA peuvent, oui, agir sur les noms de domaines dans certains cas limitatifs. Le cas litigieux est bien celui de l'intervention sur les domaines génériques mais est-ce vraiment étonnant ?
Pour vous protéger, achetez français :D
Source : http://www.spyworld-actu.com/spip.php?article14471
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Lorsque tu dis « Il est normal, logique et bienvenu qu'un pays puisse intervenir sur son espace d'adressage pour faire disparaitre des noms de domaines contraires à ses lois et règlements », cela s'applique à .US, certainement.
RépondreSupprimerMais la plupart des utilisateurs de .COM ou de .NET croyaient utiliser une ressource internationale, et découvrent avec ces saisies qu'il n'existe pas réellement de gTLD. Tous les TLD sont des ccTLD, soumis aux lois d'un État et d'un seul (les USA dans le cas de .COM).
Merci pour ce commentaire.
RépondreSupprimerDans ta première remarque, oui, je suis d'accord mais je pense que cela s'applique aussi à la France je pense qui a édicté quelques règles en la matière...
Je suis assez d'accord avec toi d'autant qu'en lisant ton message, je suis revenu sur la liste des gTLD sur le site de l'AFNIC...Et du coup, je suis encore un peu plus d'accord vu les registres associés et indiqués...Avec une exception notable : le .cat...dévolue à une région quasi-fédérale espagnole :D
Décidément, on ne sort pas du CC comme tu le disais !