vendredi 5 février 2010

Evolution de la guerre informationnelle...

Un des traits récurrents des messages postés dans ce blog est notamment le refus d'un concept de cyberguerre...Celui-ci fournit, selon moi, en effet un agrégat impropre à décrire correctement une réalité bien plus complexe.

Cependant, certains esprits brillants auront bien notés que refuser ce concept mais en proposer un, plus vague encore peut-être, d'opération d'informations ou de lutte informationnelle est potentiellement encore plus hasardeux.

Je réponds pourtant qu'il me semble que cela n'est pas tout à fait vrai. Deux raisons me paraissent soutenir mon propos : la logique des composantes et les retours observés sur plusieurs exemples réels.

1/ Composantes

La guerre informationnelle que j'ai choisie de traiter ici est composée de différents éléments : une composante informatique (lutte informatique) et une composante de nature plus sémantique (psyops, communication).

En revanche, la notion de lutte informatique est plus élaborée, de même que celle de PSYOPS ou de communication opérationnelle qui ont fait l'objet d'utilisations nombreuses, récurrentes dans les conflits récents et a été conceptualisée puis mise sous forme de doctrine.

L'adjonction de ces deux domaines permet de considérer la guerre informationnelle. Encore une fois, cet agrégat est un peu illégitime. L'Information Warfare américaine se conçoit également d'une manière globale.

Il manque cependant à toutes ces notions l'aspect décisif de la guerre : la violence et parfois la volonté politique. Néanmoins, si ces éléments sont indispensables à une compréhension occidentale de la guerre, l'élément violent n'est pas aussi présent dans la conception asiatique, contrairement à l'élément politique toujours présent...

Cependant, la guerre informationnelle dans ses vraies utilisations permet de circonscrire le concept : il se conçoit dans une agissement politique, un but à atteindre et parfois à côtés d'opérations militaires classiques. Mais ce n'est pas toujours le cas, donnant ainsi une forme d'indépendance à la pratique.

Certains théoriciens ont ainsi choisi de confronter ces modèles : la notion d'IO (informations opérations) contient-elle l'ensemble des autres notions (lutte information, communication opérationnelle, psyops, electronic warfare...) comme le montre ce schéma ? :

On peut aussi considérer que la lutte informationnelle est bel et bien une composante ou une technique à part entière et qu'elle emprunte à plusieurs domaines :

Mon opinion à ce sujet, encore une fois très personnelle correspondrait plutôt à la deuxième proposition. En termes clairs, la "fonction" de la "guerre de l'information" est bien d'actionner des leviers (techniques ou sémantiques)afin d'obtenir des effets militaires PAR l'information, CONTRE l'information ou POUR l'information.

Il y a ainsi une vraie dimension informationnelle dans la conduite des opérations qui peut prétendre emprunter à chacun de ses domaines. Ne faisons cependant pas l'erreur de croire que tous moyens d'action appartiennent exclusivement aux opérations d'informations...

2/ Pratiques et exemples

La guerre de l'information n'est pas nouvelle : bon nombre d'auteurs et de bloggers ont su montrer la propension asiatique à l'intégrer dans les doctrines de l'époque de Sun-tzu (par exemple).

Elle est également très moderne : d'autres auteurs placent ainsi le premier "retour" de cette pratique lors de la première guerre du golfe. Il est vrai que les batailles rangées de type "napoléoniennes" paraissent peu devoir à la guerre de l'information. Et pourtant, l'espionnage n'y était, à priori, pas rare...

Même Clausewitz (puisqu'on les cite toujours deux par deux) parle de la problématique de l'information pour l'officier : trop peu, il ne peut trancher, trop d'information, il est paralysé.

Plus proche encore, l'opération Plomb Durci dont on trouve d'excellentes analyses (cf. post précédent) montre bien que la guerre de l'information est multi-dimensionnelle : sémantique ou psychologique (les tracts, les appels téléphoniques...) mais également technique (intrusion dans les radios webs, twitter, brouillage...).

Elle conserve ainsi un caractère fondamental : l'aboutissement d'une volonté politique. La présence ou non d'une dimension violente coexistante est tout sauf obligatoire : le cas des hackers chinois démontre ainsi cette réalité. S'il n'y pas de violence directe, il y a bien un enjeu politique (que j'ai démontré dans un post précédent) et ce, dans les deux sens...La guerre de l'information est ainsi autant les attaques informatiques, que les accusations américaines ou les protestations de défense outrées chinoises...

En revanche, le récent vol par des hackers, de crédits carbones, montre bien qu'il existe une différence entre la lutte et la guerre. A mon humble avis, la différence repose bien dans cette volonté ou cette finalité politique. A contrario, pour moi, la lutte informatique reste un moyen à la disposition de tous.

Par ailleurs, la différence entre lutte et guerre doit être préservée au niveau du droit : l'entrée en guerre d'un pays emporte de lourdes conséquences; le même pays peut "lutter" pour ou au côté d'autres individus ou groupes. C'est bien le cas des OPEX.

Guerre ou lutte, peu importe peut-être mais, à mon sens, la différence mérite d'être faite surtout en matière informatique ou informationnelle.

Sources :

- http://selil.com/?p=336#more-336

- http://www.wired.com/threatlevel/2010/02/hackers-steal-carbon-credits?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+wired%2Fpolitics+%28Wired%3A+Politics%29&utm_content=Google+Reader

2 commentaires:

  1. Hello AG !

    A mes yeux, la cyberguerre est un concept qui prend forme quotidiennement... Tu estimes qu'il manque à la cyberguerre les composantes "volonté politique et violence".

    Je te prend contrepoint par contrepoint (Hé Hé !) :

    - la volonté politique, il ne faut plus y compter car la cyber/infoguerre peut être le fait d'individus et/ou d'organisations étatiques ou non-étatiques. La cyberguerre est donc fondamentalement irrégulière.

    - la violence : priver une région de 60 millions d'habitants (comme ce fut le cas au Brésil) d'électricité pendant deux jours produit finalement le même résultat que des bombes au graphite lâchées sur des transformateurs électriques (L'OTAN lors de la campagne de Kosovo de 1999). Peu importe la nature de l'acte (criminalité, terrorisme, guerre, hooliganisme version cyber), ici, l'arme cybernétique a produit un effet quasi voire strictement identique à celui d'une arme cinétique. N'est ce pas également une forme de violence ?

    Cordialement.
    Electrosphère
    http://electrosphere.blogspot.com

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  2. Bonjour et merci de cette réflexion.

    Pour y répondre,je pense plutôt que la cyberguerre n'est pas un concept "opérationnel" valide. Il n'est, en effet, pas suffisamment circonscrit en termes de méthodes, de techniques ou d'effet final recherché.

    A contrario, je suis tout à fait en accord avec tes deux points :

    - "La cyberguerre est fondamentalement irrégulière" : OUI (bien que la volonté politique persiste dans de très nombreux cas - espionnage, hacktivisme, modes d'actions de la mouvance terroriste en ligne) mais je parle alors plus volontiers de "Lutte informatique" ou lutte informationnelle

    - Je suis également tout à fait d'accord avec ton point sur la violence. Rien à y redire

    Mais je persiste à parler de lutte : la guerre comporte encore une fois un élément juridique que je ne veux pas circonscrire. Elle est également historiquement marquée et je tiens donc à faire la différence entre lutte et guerre d'une part et entre lutte informatique/lutte informationnelle.

    C'est ce que je tentais de démontrer dans mon post.

    Merci encore à toi !

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